Les derniers libertins

de Benedetta Craveri, Flammarion, Au Fil de l’histoire

Benedetta Craveri est une spécialiste des XVIIe et XVIIIe siècles français. Dans ce livre, elle dresse les portraits de sept personnages de l’aristocratie, à la veille de la Révolution. Elle raconte leur destin avant et après 1789 (deux d’entre eux finiront sur l’échafaud).

C’est un livre passionnant même pour les non historiens. On y rencontre des libertins qui pratiquent avec brio l’art de la conversation dans les salons (B. Craveri a d’ailleurs écrit un livre sur « L’âge de la conversation« ), empreints de l’esprit des Lumières et, pour certains, favorables à une monarchie constitutionnelle à l’instar de l’Angleterre, tous au service du Roi, grands voyageurs, ….des esprits libres. Certains périront sur l’échafaud, d’autres connaîtront l’exil ou encore poursuivront leur carrière. On y croise Talleyrand, Marie-Antoinette (pas peinte sous son meilleur jour), le prince de Ligne, etc. Un portrait émouvant de la comtesse du Barry, maîtresse de Louis XV au triste destin.

Un livre dont la lecture est fort utile dans un moment où l’on parle tant de République, démocratie, etc. Pour balayer les idées reçues sur l’aristocratie et la Révolution et nous rappeler d’où nous venons. Un livre passionnant dans sa façon de restituer le bouillonnement des années qui ont précédé la Révolution. Le livre se lit d’autant plus facilement qu’il est découpé en 7 chapitres, chacun consacré à un personnage. On peut picorer mais avec attention car de nombreuses personnes sont citées et peuvent se retrouver d’un chapitre à l’autre.

page 211 (dans le chapitre consacré au comte de Narbonne) : « Narbonne avait formé un trio inséparable avec le comte de Choiseul-Gouffier et Talleyrand, alors abbé de Périgord, et, des décennies plus tard, ce dernier évoquera la frénésie mondaine de ces années 1780. Ils avaient conscience que leur avenir dépendait pour une large part de leur habileté à tisser les relations personnelles nécessaires pour se frayer un chemin, mais les choix qui les attendaient étaient loin d’être simples. Par la naissance ils appartenaient à la caste des privilégiés, mais il leur fallait aussi se forger une réputation d’hommes capables de manier le brio mondain aux compétences économiques et administratives. Le pouvoir de la société n’avait jamais été aussi grand, mais la confusion « se mit dans ses rangs » et « son esprit général subit des modifications de tout genre. On voulait tout connaître, tout approfondir, tout juger. Les sentiments furent remplacés par des idées philosophiques ; les passions, par l’analyse du coeur humain ; l’envie de plaire, par des opinions ; les amusements par des plans, des projets, etc. Tout se dénatura. » (citation extraite des « Mémoires du prince de Talleyrand »).

 

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